Les « gilets jaunes » ? Au départ, ce sont des automobilistes de la France rurale qui manifestent contre une taxe supplémentaire sur les carburants. Ils vivent cela comme une double injustice territoriale et fiscale. Comme ils vivent dans la France rurale, ils doivent utiliser plus et plus souvent leur voiture pour se déplacer. C’est une injustice de territoire. La taxe sur le carburant arrive après d’autres taxes. C’est une injustice fiscale, car ils ont l’impression que c’est toujours à eux qu’on demande des efforts. Par les réseaux sociaux comme Facebook, le mouvement des gilets jaunes s’étend dans beaucoup de régions et rassemble de plus en plus de monde.
Des gilets très différents
Selon les régions et les groupes, les gilets jaunes se comportent différemment. La grande majorité des gilets jaunes manifestent dans une bonne ambiance, d’autres sont plus menaçants, ou même agressifs avec ceux qui ne les soutiennent pas ou avec la police. Puis, il y a les casseurs, des personnes qui profitent du mouvement des gilets jaunes pour… casser : casser du policier, des voitures, des vitrines de magasin…
Pas de représentants
Le mouvement des gilets jaunes ne vient donc ni d’un parti ni d’un syndicat. Il y a des centaines de milliers de gilets jaunes et ils n’ont aucun porte-parole officiel. Avec qui la police peut-elle discuter en cas de problème dans une manifestation ? Quand les syndicats, les partis, des associations manifestent, ils ont eu l’autorisation à la police, ils ont donné leur itinéraire, ils ont parfois leur propre service d’ordre pour encadrer leurs manifestants. Quand les gilets jaunes manifestent, c’est très difficile de contrôler tout le monde. Il y a la majorité des manifestants pacifiques, il y a aussi des manifestants plus violents d’extrême gauche ou d’extrême droite, des casseurs…
Les autorités embêtées…
Comme le mouvement des gilets jaunes n’a aucun représentant, avec qui le gouvernement peut-il négocier ? La police, le gouvernement, les autorités en général sont donc bien embêtés : avec qui dialoguer ? Pour les syndicats et les partis traditionnels, c’est pareil. Ils hésitent à soutenir les gilets jaunes ou à les dénoncer. Les représentants des syndicats et des partis ont peur d’être accusés d’être “populistes”.
…Les gilets jaunes aussi
Les gilets jaunes sont aussi bien embêtés. Comment continuer leur mouvement sans trop de violences qui font peur à ceux qui aimeraient les soutenir ? Comment continuer sans représentant officiel, sans organisation ? Et s’ils créent une organisation, les gilets jaunes, seront-ils « récupérés » par un parti ou un syndicat, seront-ils manipulés par le gouvernement ? Ces questions ont toujours été et sont toujours les questions de tous les mouvements sociaux. Un grand philosophe français du 20e siècle Jean-Paul Sartre parle de ces questions dans une sorte de fable philosophique.
La série
Des personnes sont à un arrêt de bus. Ces gens ont un style de vie assez proche. Ils occupent à peu près les mêmes fonctions dans la société (ouvrier, employé…). Pourtant ils sont anonymes, isolés les uns des autres. Ils forment une série, socialement inerte. Le bus arrive, chacun s’assied, la série disparait. Chacun descendra devant son usine, son bureau, son école, etc.
Le groupe
Mais si à un moment donné, être dans une série devient insupportable… Par exemple, si le bus a beaucoup de retard ou pire si les gens apprennent que l’on va supprimer la ligne de bus. Les gens se plaignent et commencent à parler entre eux. Les personnes interagissent, elles ne sont plus socialement inertes. Il y a une forme de solidarité active. De la série, on est passé au groupe. Les gens se rendent compte qu’ils ont un style de vie assez proche, que leurs intérêts sont les mêmes.
Le groupe en fusion
Et si cela ne se passe pas qu’à un arrêt de bus mais aussi aux autres arrêts et dans d’autres villes parce qu’on va supprimer d’autres lignes de bus. Alors, on a un groupe, un grand groupe en fusion. Par exemple, les gens veulent alors plus de bus, des transports moins chers, etc. Cela peut être le début d’une émeuteMouvement populaire violent ou d’une révolte.
L’organisation
Après la révolte, pour que le groupe continue à exister et pour se faire entendre, les gens désignent des porte-paroles, des dirigeants. Du groupe, on passe alors à l’organisation. Et l’organisation, c’est aussi le risque de la bureaucratiepouvoir pris par les gens qui travaillent dans l'organisation, dans son administration, dans sa gestion: les employés, les permanents, les "gens des bureaux".. C’est le risque qu’un petit nombre ne décide à la place de tous. Le mouvement de départ risque d’être confisqué par une organisation créée par ce même mouvement …
Pour se faire entendre et pour réussir, le nouveau mouvement social des gilets jaunes, devra répondre aux questions qui se sont posées et se posent à tous les mouvements sociaux.