Je m’appelle Tamimount, Mimi pour les intimes. En berbère, mon nom signifie celle qui a de la chance. C’était une mauvaise plaisanterie de mes parents. Ainsi commence l’histoire de “Ti t’appelles Aicha, pas Jouziphine”. Aicha ? C’est l’amie de Mimi. Aïcha a fondé une famille. Mimi est toujours célibataire. Comme Mimi, Aïcha est venue du Maroc avec ses parents et a débarqué en Belgique.
Les parents de Mimi sont venus en Belgique dans les années 60 « au temps béni où l’Europe avait encore besoin de main-d’œuvre étrangère ». Ceux d’Aïcha dans les années 70 « alors que les candidats à l’immigration n’étaient plus les bienvenus… »
Aïcha et Mimi, une histoire « d’immigré de la 2e génération ». Ainsi quand à l’école on parle de la fête de Noël, Mimi veut, comme ses copines de classe, un sapin avec des guirlandes. Et elle chante « Petit papa Noël, quand tu descendras du ciel… » . Son père lui dit : « Pirsoun i va descendre di ciel. On i di mousliman ! Ti t’appiles Tamimount ! Ti t’appiles pas Nathalie ou Birnadite !»
Et quand son amie Aïcha s’estimait injustement traitée à l’école par rapport aux copines de son âge, son père avait la même réponse que le père de Mimi : « Ti t’appiles Aïcha. Ti t’appiles pas Jouzifine ! »
Pourtant, Aïcha et Mimi vivent différemment leur « immigration ». Pour Aïcha, c’est un déchirement. Pour Mimi, c’est une continuité, une continuité étouffante dans 2 mondes qui ne se rencontrent pas : la maison et l’extérieur, la famille et l’école. Les parents d’Aïcha sont, eux, plus ouverts, plus tolérants, que ceux de Mimi. Mais l’une et l’autre ont pourtant affronté la dureté du monde.
Avec la « mauvaise plaisanterie » des parents de Mimi, on est d’entrée dans le ton du livre. Un ton dur, avec de la distance et de l’humour. Mais un ton dur. Durs, les rapports de Mimi avec ses parents. Mimi a 37 ans, c’est une femme toujours célibataire. Elle joue pour son amie Aïcha la scène de la visite chez ses parents. Mimi interprète son père qui dit : « Alors, tu vis toujours comme un zoufri ». Et l’auteure précise : « Zoufri est un terme péjoratif qui désigne un célibataire. Il vient du français « les ouvriers », déformé par les premiers immigrés maghrébins en zoufri. »
Ou encore quand Mimi rend réellement visite à ses parents. Son père lui dit : « Même à mon âge, je ne voudrais pas d’une femme aussi vieille que toi… »
Durs aussi, les mots du père de Mimi. Ou encore les mots qui parlent de la mère : « Chez moi, plus nous grandissions et plus nous entendions notre mère hurler, matin et soir. Nous avions l’impression qu’elle n’en pouvait plus de sa nombreuse progéniture. Et pourtant, un an sur deux, elle continuait son dur labeur : elle enfantait… »
Dur enfin, le racisme ordinaire de certains profs de l’école ou leur maladresse. Ainsi, l’instituteur qui, après avoir écrit le mot « climat » au tableau, demande à Mimi : « Quel temps fait-il chez vous ? » Mimi regarde par la fenêtre et répond : « Ben, il pleut M’sieur ». Car Mimi vit ici. Elle se cherche. Elle est en décalage. Elle traverse deux mondes parallèles. Deux mondes durs. Mais Mimi vit. Elle vit l’amitié avec Aïcha. C’est cette amitié qui donne de la légèreté à ce livre si dur. Un livre dur mais léger comme une libération.
Ti t’appelles Aicha, pas Jouziphine
Mina Oualdlhadj, Editions Clepsydre
Les critiques
La quatrième de couverture
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Un débat autour du livre sur Arte Belgique
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