jeudi 25 avril 2024

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Exécution expéditive

Après un procès bâclé, Saddam Hussein a été exécuté dans la précipitation. Il a été pendu, la veille de la fête du mouton. Il était bien sûr, responsable de nombreux massacres dans son propre pays. Mais ses méfaits méritaient un procès digne de ce nom. Ne serait-ce que par respect pour les victimes.


Photo: Belga

En 2003, Georges Bush avait envoyé ses troupes en Irak pour notamment, disait-il, amener ce pays à la démocratie. Pourtant, l’exécution de Saddam  n’est pas vraiment une leçon de démocratie. Cette exécution est un procédé plutôt barbare. Elle montre le désordre qui règne en Irak depuis la chute du régime. Une guerre civile ravage ce pays. Et l’exécution expéditive de l’ancien président ne va certainement pas arranger les conflits qui divisent l’Irak. Bien sûr, il fallait juger Saddam Hussein pour ses crimes. Mais il aurait fallu le faire dans la sérénité. Le dictateur aurait dû avoir un procès équitable. Il aurait aussi dû être jugé pour tous les faits qui lui étaient reprochés. En effet, le procès du dictateur est inachevé. Saddam Hussein a été condamné  à mort pour le massacre de 148 civils dans un village chiite en 1982. Mais la liste des crimes contre l’humanité de Saddam est bien plus longue. Il est responsable de l’opération Anfal contre les Kurdes. Ou encore du gazage de Halabja  qui a fait au moins 5 000 victimes. Il a éliminé ses opposants politiques. Il a écrasé la rébellion chiite en 1991. On pourrait encore ajouter à cette liste l’emploi des armes chimiques dans la guerre contre l’Iran et l’invasion du Koweït en 1990. Bref, les juges de Saddam auraient dû prendre le temps d’aller jusqu’au bout d’un vrai procès.

La vérité au rabais

Plusieurs chefs d’Etat se sont dit en désaccord avec la manière dont Saddam Hussein a été exécuté. Une organisation de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch, s’interroge sur l’équité du procès : « La façon dont le procès s’est déroulé va nuire à la crédibilité de la justice irakienne dans son ensemble. Pour un pays en pleine transition politique, c’est un très mauvais exemple. » Human Rights Watch a d’ailleurs condamné l’exécution de Saddam Hussein, même si elle a affirmé que le dictateur était bien coupable.

Le procès a pourtant été placé sous l’égide du Haut Tribunal Irakien. Ce tribunal  a été créé à l’époque de Paul Bremer. Celui-ci était responsable des inspecteurs de l’ONU en Irak, à l’époque où l’on y cherchait encore des armes de destruction massive. Le procès de Saddam s’est déroulé dans une zone très protégée où il y a l’ambassade américaine et les bureaux des principaux responsables irakiens. Mais le climat de violence et de guerre civile a gravement perturbé les débats de ce procès. Comment en effet peut-on juger sérieusement un homme, même si c’est un dictateur, quand trois de ses avocats et un témoin de l’accusation sont assassinés ? Quand deux présidents de la Cour démissionnent coup sur coup ? Peut-on encore parler de procès équitable? Le tribunal a agi dans la précipitation. Cela n’a pas permis d’examiner tous les faits reprochés à Saddam. Le tribunal a expédié cette affaire et a jeté Saddam au bout d’une corde. La frustration des victimes doit être terrible. Leurs questions resteront sans réponses. Pourquoi ne pas avoir pris le temps de faire révéler à Saddam ce qu’il savait?Jamais la vérité ne viendra des aveux même de Saddam Hussein. Un membre du Parlement irakien répond à sa manière : «les révélations de Saddam auraient embarrassé les Américains mais aussi certains pays européens qui fournissaient, à l’époque, Bagdad en armes chimiques. » Saddam Hussein a donc payé le prix fort. Fin 2006, un autre ancien dictateur, Pinochet, est lui mort dans son lit sans avoir été jugé pour ces crimes.

Nicolas Simon

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