Voisine de la Pologne, la Biélorussie a une frontière
avec l’Union européenne. Ce pays est dirigé par un président
autoritaire. Les médias et les dirigeants politiques européens
s’inquiètent de cette Biélorussie non démocratique
à la porte de l’Union. On peut aussi avoir un autre sujet d’inquiétude:
les retombées de l’explosion nucléaire de Tchernobyl sur
deux millions de Biélorusses. Et ce, dix-huit ans après l’explosion
de la centrale nucléaire.

Les Biélorusses viennent d’accorder la possibilité
à leur président de se représenter une troisième
fois aux élections présidentielles. L’opposition politique
dénonce les fraudes. Le président, Alexandre Loukachenko, n’est
pas un démocrate. Mais beaucoup de Biélorusses ont quand même
voté pour qu’il puisse se représenter. Sans doute parce
que les Biélorusses ont plutôt une bonne protection sociale comparée
à des pays voisins, comme la Russie par exemple. Mais il y a un autre
problème en Biélorussie. Ce problème concerne 2 millions
de Biélorusses. C’est le problème de vivre, depuis 18 ans,
dans des zones contaminées par la radioactivité.

Oublier Tchernobyl

En 1986, en Ukraine, un réacteur de la centrale nucléaire de
Tchernobyl explose. La Biélorussie est voisine de l’Ukraine. Tchernobyl,
l’ancienne centrale nucléaire, n’est qu’à quelques
kilomètres de la frontière. Le vent souffle vers le nord. La Biélorussie
est la plus touchée par la catastrophe. Des zones sont évacuées
et les populations déplacées dans des régions plus sûres.
Le pouvoir biélorusse a ouvert des centres de santé. On soigne
les personnes les plus malades. On sait que 1 800 enfants ont le cancer
de la thyroïde.
Mais dix-huit ans après la catastrophe, on a oublié Tchernobyl.

Tchernobyl n’est pas une bonne publicité. Ni pour le président
Loukachenko, ni pour les partisans de l’énergie nucléaire
à tout prix. Les Biélorusses, eux-mêmes, veulent oublier
Tchernobyl. Même les 2 millions de Biélorusses dont 500 000 enfants
qui vivent encore dans les zones radioactives. Dans la plupart des pays du monde,
l’énergie nucléaire est indispensable. Pas de risque ou
si peu disent les autorités scientifiques. Et l’accident de Tchernobyl?
Une erreur humaine, c’est vrai. Les retombées de l’explosion?
Aujourd’hui, tout est maîtrisé ou presque. Conclusions: on
peut vivre dans des zones dites « faiblement contaminées ».
On peut oublier Tchernobyl.

Retombées invisibles

Pourtant, quelques années après la catastrophe, un médecin
biélorusse, Bandajevski, découvre un risque plus grand de maladies
du cœur et des troubles de vue chez les enfants vivant dans ces zones.
Il est accusé de corruption par le pouvoir biélorusse et est arrêté
en 2001. Il vient de retrouver une semi- liberté. Il n’est pas
le seul à s’intéresser aux risques de radioactivité
à faible dose. Un autre savant, spécialiste de l’énergie
nucléaire, Nesterenko a créé un institut indépendant
pour analyser les conséquences de la catastrophe sur la santé
des populations.

C’est vrai, il y a des programmes européens et internationaux
pour décontaminer
les zones touchées et relancer l’économie de ces régions.
C’est vrai, le pouvoir biélorusse informe les populations concernées
et leur demande de ne pas consommer trop de produits contaminés. Les
habitants peuvent aller mesurer la radioactivité de leurs aliments dans
des centres d’analyse. Mais si l’on ne consomme pas les produits
cultivés sur sa propre terre, il faut pouvoir les acheter ailleurs. En
plus, la population est habituée à consommer baies, gibiers et
champignons des bois pour améliorer son ordinaire. On peut oublier facilement
la catastrophe de Tchernobyl, ses effets sont aujourd’hui invisibles même
aux yeux de celles et ceux qui vivent dans ces zones «faiblement radioactives».

Thierry Verhoeven