jeudi 28 mars 2024

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Les paradis fiscaux iront-ils en enfer ?

Il y a quelques semaines, les pays de la zone euro ont dû aider Chypre. A Chypre, pays de la zone euro, les banques et l’Etat étaient au bord de la faillite. C’est encore un effet de la crise financière de 2008. L’affaire fait scandale. Chypre vit une grave crise financière et c’est un paradis fiscal. Peu de temps après, on apprend que M. Cahuzac, ministre du budget en France, a fraudé l’Etat français et a placé son argent en Suisse. L’affaire fait scandale. M. Cahuzac a dû démissionner. La Suisse n’est pas dans la zone euro mais est au cœur de l’Europe et la Suisse est un paradis fiscal. Un paradis fiscal, qu’est-ce que c’est ?

Il y a paradis et paradis

Le paradis, c’est un lieu de paix et de bonheur. La fiscalité, ce sont les taxes et les impôts. Un paradis fiscal est donc un pays où l’on ne paie pas ou peu de taxes et d’impôts. Les financiers parlent d’ailleurs de paradis fiscal en opposition avec l’enfer fiscal. L’enfer fiscal est bien sûr un pays où il y a beaucoup de taxes et d’impôts. Depuis la crise des années 1980, les Etats ont tendance à diminuer les taxes et les impôts pour ceux qui ont beaucoup d’argent. Cela attire les riches étrangers et les entreprises.

On peut dire, par exemple, que la Belgique est un paradis fiscal. Il n’y a pas d’impôt sur la fortune comme dans d’autres pays. Il n’y a pas de taxes sur les plus-values boursières. Cela veut dire que si vous avez acheté des actions pour
10 000 euros et que vous les revendez 12 000 euros, vous ne payez pas d’impôt sur les 2 000 euros que vous avez gagnés. Par contre si vous travaillez et avez un salaire de 2 000 euros, vous payez un impôt et parfois même, un impôt très élevé. Certains disent d’ailleurs qu’il y a une grande injustice fiscale en Belgique.
Mais tout cela n’est pas contraire à la loi. Chaque pays décide de sa politique fiscale. Et certains pays ne se contentent pas de faire payer peu ou pas d’impôt aux riches. Ils leur donnent aussi d’autres avantages.

Le vrai paradis fiscal

Un vrai paradis fiscal est un pays où on ne paie pas ou très peu d’impôts et où on garde le secret sur beaucoup d’activités financières et commerciales. Les banques des paradis fiscaux ne communiquent pas d’informations sur leurs comptes et leurs clients. C’est le secret bancaire. Il est souvent même prévu par la loi. Un banquier qui donne des informations sur un client risque donc d’être condamné par la justice de son pays. L’argent mis dans un paradis fiscal ne dort pas dans un coffre, il est placé, investi.

Ce n’est pas la personne ou l’entreprise qui a placé l’argent qui investit directement. Par exemple, quand vous ouvrez un compte en Suisse, on vous propose directement d’investir dans une société du Luxembourg. Cela se fait par des sociétés créées exprès pour cela. On appelle ces sociétés, des sociétés « écran » ou « boîte aux lettres » car leur seule activité est d’investir l’argent des paradis fiscaux. Elles investissent dans des placements financiers, en achetant des actions d’entreprises,… Et dans un paradis fiscal, les sociétés commerciales et financières sont beaucoup plus surveillées que dans d’autres pays et on peut en créer très facilement.
Un paradis fiscal a encore un autre avantage. Imaginons que vous êtes soupçonné d’avoir fraudé dans votre pays. On fait une enquête pour savoir si vous avez un compte en Suisse ou à Chypre. Et bien les banques et les administrations suisses ou de Chypre donneront peu ou pas d’informations à la justice de votre pays. Vous êtes au moins en partie protégé. Tous les avantages des paradis fiscaux sont légaux. Pourquoi alors font-ils scandale ?

L’argent sale au paradis

Il y a un premier scandale du paradis fiscal. Il permet à des grosses entreprises, à des gens riches de payer moins ou pas d’impôt. La population, par contre, subit la crise économique et s’appauvrit. Les plus fortunés devraient accepter de payer plus d’impôts puisque l’on demande des sacrifices aux autres. Des particuliers et des entreprises utilisent des trucs, des astuces pour éviter de payer trop d’impôts mais ces trucs ne sont pas interdits par la loi. Ce n’est pas très moral même si cela reste légal.

Mais il y a un deuxième scandale du paradis fiscal. Une grande partie de l’argent placée dans un paradis fiscal vient de fraude ou de trafic. Comme il y a le secret bancaire et qu’il est facile de créer des sociétés « écran », l’argent illégal est recyclé. On sait que beaucoup de personnes qui ont un compte dans un paradis fiscal n’ont pas déclaré cet argent dans leur pays. C’est de la fraude fiscale. Et c’est bien sûr illégal. Et puis il y a l’argent des trafics d’armes ou de drogue. Cet argent sale est blanchi dans les paradis fiscaux. On estime qu’environ 35% de l’argent placé dans les paradis fiscaux viennent de la criminalité…

Combien pour le paradis ?

Par définition, il est difficile de savoir exactement combien d’argent échappe aux impôts et ce qui se passe dans les paradis fiscaux qui gardent le secret en matière de finance et de commerce. Mais on estime cette perte à 5 500 milliards d’euros par an dans le monde, 1 000 milliards d’euros par an dans l’Union européenne ! Des chiffres qui font tourner la tête. En France, l’évasion fiscale est estimée entre 40 milliards et 80 milliards d’euros par an. En Belgique, c’est entre 9 milliards et 30 milliards d’euros par an. Cet argent devrait être taxé et qui ne l’est pas. Il échappe à l’impôt. Une grande partie de cet argent est placée dans des paradis fiscaux. La moitié des transactions financières mondiales passe par les paradis fiscaux. Il y a dans les paradis fiscaux 4 000 banques et 2 millions de sociétés « écran ».

L’argent fraudé, c’est un manque à gagner pour les Etats qui doivent donc trouver de l’argent ailleurs. En période de crise économique, cela apparaît de plus en plus comme un scandale pour les populations et aussi pour les gouvernements. Mais que font-ils les gouvernements ? Après la crise bancaire et financière de 2008, les grands Etats du monde et l’Europe avaient décidé de mettre de l’ordre dans le système financier. Ils voulaient supprimer les paradis fiscaux…
Mais il y a quelques semaines, l’affaire du scandale financier de Chypre nous a rappelé qu’il y a encore en 2013 des paradis fiscaux et même dans la zone euro. Peu de temps après, l’affaire du compte en Suisse de M. Cahuzac nous rappelait que la Suisse, pays au cœur de l’Europe est encore un paradis fiscal… Et ce ne sont pas les seuls. Après ces affaires, les dirigeants de l’Union européenne l’ont dit et redit : il faut lutter contre la fraude fiscale et mieux contrôler les paradis fiscaux. Ils l’ont dit et redit. On attend maintenant qu’ils agissent.

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