jeudi 28 mars 2024

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Manifestations anti-avortement

En Espagne, fin 2007, il y a eu plusieurs manifestations anti-avortement. Dans ce pays, une loi autorise l’interruption de grossesse depuis 1985. Mais cette loi est appliquée avec beaucoup de difficultés. Y aura-t-il des changements après les élections législatives de mars 2008? Rien n’est prévu.

Le 30 décembre, des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées à Madrid à l’appel de l’Eglise catholique pour défendre la «famille traditionnelle». Lors de cette manifestation, un archevêque a déclaré : « La culture de la laïcité radicale est une tromperie qui ne conduit qu’à l’avortement et au divorce express et mène à la dissolution de la démocratie.»  Du Vatican, le pape Benoît XVI s’est adressé, sur écran géant, aux familles chrétiennes rassemblées à Madrid. Benoît XVI a déclaré : « Cela vaut la peine de travailler pour la famille et le mariage parce que cela vaut la peine de travailler pour l’être humain, la plus précieuse des créatures de Dieu. » L’Eglise a aussi rappelé que l’interruption de grossesse est « un euphémisme qui recouvre une action horrible et abominable. »

Campagne électorale

Ces déclarations et ce rassemblement de catholiques s’adressent directement au gouvernement socialiste espagnol. Ce gouvernement a fait passer une loi qui autorise le mariage homosexuel. Il a aussi fait passer une loi qui rend le divorce plus facile. Ces attaques contre le gouvernement sont importantes parce qu’elles arrivent en pleine période électorale. En mars, les Espagnols vont voter pour renouveler leur Parlement. Pour les socialistes et la gauche politique, ce rassemblement montre que l’Eglise fait campagne électorale pour la droite espagnole.

L’Espagne est un pays très catholique. Le gouvernement pourtant socialiste reste prudent sur les questions liées à la morale. L’actuel Premier ministre, M. Zapatero, a déclaré qu’il ne prévoyait pas de changement dans la loi sur l’interruption de grossesse. Même s’il a dit aussi que le gouvernement était ouvert à une discussion sur le sujet. Pourtant, les mouvements politiques de gauche et les mouvements féministes réclament, depuis longtemps, des changements dans la loi sur l’interruption de grossesse.

Avorter en toute insécurité

Depuis 1985, l’avortement est autorisé en Espagne. L’interruption de grossesse est une mission du système de santé publique. Mais dans les hôpitaux publics, beaucoup de médecins refusent de pratiquer les avortements au nom de leur conscience. Les femmes qui veulent interrompre leur grossesse doivent aller dans des cliniques privées. Elles doivent alors payer tous les frais médicaux. Et cela coûte cher. 97% des avortements en Espagne sont faits dans ces cliniques privées.

De plus, ce sont les pouvoirs publics régionaux qui autorisent une clinique à pratiquer des avortements et qui contrôlent ses activités. Certaines régions sont dirigées par la droite, le Parti populaire. Et dans ces régions, les cliniques se plaignent de contrôles abusifs par les autorités régionales.

Des dirigeants de cliniques privées disent aussi que l’Etat manque de fermeté face aux «fondamentalistes catholiques». En Espagne, des commandos anti-avortement agressent ou intimident régulièrement le personnel médical qui pratique des avortements. Dernière attaque en date, la nuit du 25 au 26 décembre : des hommes cagoulés ont lancé des pierres contre les vitres d’une clinique de Madrid qui pratique des avortements. Le 28 décembre, jour «des saints innocents», il y a eu des manifestations anti-avortement devant plusieurs cliniques.

Les « abus »

En Espagne, l’avortement est autorisé dans 3 cas : une grossesse suite à un viol à condition que la femme ait porté plainte, une malformation grave du fœtus, un danger pour la santé physique ou mentale de la mère certifié par un médecin. En cas de viol, l’interruption doit se faire avant 12 semaines de grossesse. En cas de malformation du fœtus, le délai maximum est 22 semaines de grossesse. Par contre, il n’y a aucune limite de temps en cas de danger pour la santé physique et mentale de la mère. Il y a donc des abus. Début décembre, un médecin d’une clinique de Barcelone a été accusé de truquer les dossiers médicaux : fausses échographies ou fausses expertises psychologiques des mères. Il pratiquait ainsi des avortements jusqu’au 8e mois de grossesse.

La droite conservatrice et les catholiques extrémistes profitent de ces abus pour lutter contre la loi.  Car, selon le ministère espagnol de la santé, en 2005 : 62 % des avortements se sont faits avant la 9e semaine de grossesse, 26 % entre 9 et 12 semaines et 6 % de 13 à 16 semaines. 94% des avortements se sont donc faits avant le 4e mois de grossesse. Pour les mouvements de gauche politique et les mouvements féministes, la loi crée une insécurité juridique et une insécurité tout court pour le personnel médical et les femmes qui veulent se faire avorter. Ils réclament donc une nouvelle loi. Cette nouvelle loi devrait prévoir un meilleur encadrement médical et un délai maximum de grossesse pour pratiquer l’avortement. Elle devrait aussi prendre en compte la volonté des femmes de se faire avorter.
Le Parti socialiste de M. Zapatero avait mis un changement de loi dans son programme électoral de 2004. Mais arrivé au pouvoir, il n’a pas changé la loi. Et, dans son programme pour les élections de 2008, il n’a rien prévu.

Thierry Verhoeven

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