jeudi 28 mars 2024

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Pauvres contre pauvres

Depuis 15 jours, en Afrique du Sud, des sud-Africains attaquent les étrangers. Ces violences ont commencé dans plusieurs quartiers de Johannesburg. Elles se sont étendues dans plusieurs régions: sur la côte est (dans les environs de Durban), au sud-ouest (dans la région du Cap) et aussi dans le nord du pays.


Photo: Belga

Au moins 50 morts, de nombreux blessés et des dizaines de milliers de personnes qui fuient. Voilà le premier bilan de 15 jours de violences en Afrique du Sud. Des Noirs sud-africains s’en prennent aux immigrés clandestins. Il y a beaucoup d’immigrés sans papiers en Afrique du Sud. On estime qu’il y a environ 3 millions de personnes venues du Zimbabwe. Et 2 millions d’autres sans papiers venus, par exemple, du Mozambique, de la République démocratique du Congo ou du Malawi. L’armée et la police essaient de protéger les étrangers et les «points chauds» des quartiers pauvres. Mais ils n’y réussissent pas toujours. Pendant les premiers jours de violence, le président Thabo Mbeki n’a rien dit. Il a finalement pris la parole dimanche 25 mai.

Mbeki et le passé

Le président du pays Thabo Mbeki a dénoncé dimanche: «les actes honteux de quelques-uns qui nuisent au nom de l’Afrique du Sud». Il a ajouté que depuis que l’Afrique du Sud est un pays démocratique (1994) «jamais nous n’avons vu une telle inhumanité». Il a aussi déclaré : « Si cette xénophobie continue et prend racine, l’Afrique du Sud risque de retomber dans son passé de violence».

Le président Mbeki fait allusion à la période de l’apartheid. L’Afrique du Sud a connu ce système jusqu’en 1994. Pendant l’apartheid, les Noirs majoritaires dans le pays étaient des citoyens de 2e zone. Le pays était dirigé par une minorité de Blancs. Ceux-ci avaient tous les pouvoirs économiques et politiques.

Les Noirs étaient cantonnés dans les quartiers pauvres. Ils n’avaient quasiment aucun droit. Après plusieurs dizaines d’années de lutte, le régime s’est démocratisé. Nelson Mandela et le mouvement ANC incarnent la lutte contre l’apartheid. Mandela est avocat et militant anti-apartheid. Il a fait 26 ans de prison pour son opposition politique au régime raciste d’Afrique du Sud. Libéré en 1990, il est devenu, en 1994, le 1er Président sud-africain élu démocratiquement. C’est une période d’espoir pour l’Afrique du Sud. D’autant plus que Mandela et l’ANC défendent plutôt la réconciliation avec les Blancs que la revanche et la violence.

Boucs émissaires

En 1999, Thabo Mbeki est élu nouveau président. Derrière la réconciliation, la démocratisation du pays et la croissance économique, l’Afrique du Sud vit de gros problèmes. Les logements manquent, le travail aussi. Le taux de chômage est de 40%. Une grande partie de la population noire vit dans la pauvreté. Durant l’apartheid, les Noirs n’avaient pas droit à la formation et étaient mis à l’écart. Encore aujourd’hui, les Noirs subissent les conséquences de leurs très dures conditions de vie pendant l’apartheid. Le gouvernement actuel a beaucoup de mal à gérer la crise.

Beaucoup de Noirs vivent encore dans des bidonvilles autour de Johannesburg, Pretoria, Durban ou Le Cap. C’est là que vivent aussi beaucoup d’immigrés sans papiers venus d’autres pays d’Afrique, surtout le Zimbabwe. Pour une partie de la population sud-africaine, les sans-papiers sont responsables du chômage et de l’insécurité. Ils sont devenus les boucs émissaires. Les prix des produits alimentaires ont augmenté, en Afrique du Sud comme dans d’autres pays. Cela n’a pas arrangé les choses. Depuis 15 jours, les étrangers africains sont harcelés, lynchés ou tués. Des dizaines de milliers d’entre eux se sont réfugiés dans les églises, les commissariats ou dans des camps de fortune. Des pays, comme le Mozambique et le Malawi, d’où viennent ces immigrés, donnent des aides d’urgence et organisent le rapatriement de certains d’entre eux. Les autorités sud-africaines essaient de rétablir l’ordre. Mais on les accuse, elles et le président Thabo Mbeki, ne pas avoir compris la gravité des problèmes vécus dans les bidonvilles et de ne pas avoir agi plus tôt.

Thierry Verhoeven

Une réponse

  1. Tout ça pour ça
    Pauvre Mandela. Il a passé le plus clair de sa vie en prison. Et voilà que les vieux démons sont de retour. Des démons qui ont pour origine la famine, les mauvaises conditions de vie, le manque de formation… et un lourd passé d’apartheid…
    Ces émeutes doivent bien faire sourire les élites blanches d’Afrique du Sud, qui attendent leur revanche…

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