Romano Prodi – Photo: Belga |
En Italie, l’alliance politique autour de Romano Prodi a remporté les élections.
Silvio Berlusconi a perdu mais de justesse. Berlusconi a fait presque jeu égal
avec Prodi après 5 ans de pouvoir et un très mauvais bilan économique.
L’Italie est-elle une image baroque de l’Europe?
Avant les élections des 9 et 10 avril, tout semblait joué en
Italie. Berlusconi partait perdant. Chef du gouvernement depuis 5 ans, son
bilan économique et social est catastrophique. L’Italie, grand
pays industriel, est à croissance zéro. L’Etat est endetté.
Le chômage a augmenté. Les contrats de travail précaires aussi.
En plus, Berlusconi, homme d’affaires, a fait voter au Parlement italien
des lois qui le favorisent lui, et ses entreprises. Berlusconi, ami de George
Bush, défenseur de la guerre en Irak. Berlusconi, milliardaire et démagogue.
Les Italiens votaient pour leurs députés et leurs sénateurs.
Mais on avait l’impression qu’ils votaient pour ou contre Berlusconi.
Duel
Pour battre Berlusconi, l’opposition politique s’est alliée
dans «l’Union» dirigée par Romano Prodi. Berlusconi,
Prodi, deux hommes très différents. Romano Prodi vient
de la Démocratie chrétienne. C’est un économiste.
On l’appelle «le professeur» parce qu’il est toujours
très sérieux. C’est l’ancien président de
la Commission européenne. C’est lui qui a organisé le passage à l’euro.
Pour les élections italiennes, il était à la tête
de l’Union, un rassemblement de 19 partis qui va du centre à des
mouvements très à gauche. Silvio Berlusconi est du monde des
affaires. Il a une très grande fortune. Il possède entreprises,
clubs de foot, journaux et chaînes de télévision. On l’appelle «le
cavalier». Il a toujours le sourire aux lèvres. Il était
le chef du gouvernement italien. Pour les élections, il était à la
tête de « la Maison des libertés », un rassemblement
de 18 partis qui vont du centre-droit à la droite extrême. Avec « l’Union »,
Prodi a gagné les élections mais de peu. Les deux hommes sont
très différents. Prodi jouait sur la raison des électeurs.
Berlusconi jouait sur l’émotion du public. A travers le duel électoral
entre les deux hommes, deux images de l’Italie s’opposaient. Et
les résultats du vote le montrent bien.
Les résultats électoraux
montrent une Italie divisée.
Divisée entre ceux qui sont fort attachés à l’Eglise
catholique et ceux qui le sont moins ou pas du tout. Divisée entre les
Italiens encore séduits par un certain fascisme et ceux qui sont
anti-fascistes. Divisée entre les électeurs qui ont encore peur
du communisme et les autres.
Berlusconi a d’ailleurs très bien joué sur ces divisions.
Pendant la campagne électorale, il a déclaré que l’Union
de Prodi voulait faire taire les évêques. Alors que Prodi est
très catholique. Dans sa «Maison des Libertés», Berlusconi
a le soutien du mouvement fasciste dirigé par la nièce de Mussolini,
ancien dictateurpersonne qui a tout le pouvoir dans un pays et qui le garde par la violence de l’Italie fasciste des années 1920, 30 et 40.
Quand Berlusconi a des ennuis avec la justice, il dénonce les juges
comme communistes et dégénérés. Car Berlusconi
est comme cela: malin et vulgaire. Mais derrière la caricaturedessin, image, texte, qui exagèrent un trait physique, le caractère, les habitudes de personnes dans le but de faire rire. et l’image,
les élections italiennes ont montré des divisions plus fondamentales.
Divisions
Que voit-on quand on regarde les résultats électoraux en Italie?
Ce sont les électeurs italiens vivant à l’étranger
qui ont fait la différence en faveur de Prodi. Car en Italie, les électeurs
sont plus divisés. Il y a 4 millions de petites entreprises surtout
concentrées dans le nord. Et donc, 4 millions de petits patrons. Ils
réussissent. Derrière la caricature, ils se retrouvent quand
même dans le discours de Berlusconi. Cette Italie-là a voté pour
Berlusconi malgré le côté «clown» du personnage.
Car cette Italie-là se reconnaît dans le discours de Berlusconi : «créez,
faites de l’argent, ne vous occupez pas du reste.»
Le centre de l’Italie, comme la région de Toscane, a, elle, plutôt
voté pour les partis de « l’Union » et notamment
pour Refondation communiste, alliée de Prodi. Le sud de l’Italie,
plus pauvre malgré les aides régionales européennes, est
lui partagé entre « l’Union » de Prodi et
la « Maison des Libertés » de Berlusconi. Et justement,
la question régionale sera une question importante dans les mois à venir.
Les règles et les pouvoirs entre l’Etat central et les régions
devraient changer. Prodi a gagné. Le plus dur reste à faire.
Surtout avec une majorité qui s’appelle « l’Union » mais
qui va du centre politique à des mouvements très à gauche.
Thierry Verhoeven