La grève de 60-61 a montré les divisions de la société belge de l’époque, la division et les désaccords entre les syndicats aussi. Mais la grève de 60-61, c’est avant tout un mouvement de la base, un mouvement populaire qui va avoir des effets positifs. Par exemple, les syndicats vont prendre l’habitude d’essayer de s’unir pour des actions importantes. C’est ce qu’on appelle le front commun.
La grève de 60-61 contre la loi unique, une loi d’austérité austérité le fait de baisser les dépenses de l’Etat, les dépenses sociales, de limiter les salaires , a montré les divisions de la société belge de l’époque. Division entre les partis politiques et les syndicats. Division entre les différents syndicats eux-mêmes. Division entre les régions du pays.
La grève de 60-61, ce n’est pas que ça. Malgré les divisions, la grève de 60-61 est un mouvement de la base, un mouvement populaire qui a souvent uni plutôt que divisé.
Cela a des conséquences encore aujourd’hui sur la façon dont les gens se battent. Pour en témoigner, lisons Jean Verjans [1]. En 1960, Jan Verjans était secrétaire pour la région de Liège du Mouvement ouvrier chrétien et militant syndical CSC
CSC
Confédération des Syndicats Chrétiens, plutôt chrétien. Sa couleur : le vert.
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« La loi unique punissait encore une fois ceux qui ont le moins. »
« Ce plan d’austérité était une pilule impossible à avaler. Il était question de pertes d’emplois et de salaires. Après avoir subi deux guerres, la population avait peur de se retrouver une fois de plus dans le désarroi. Cette loi était peut-être nécessaire mais elle punissait encore une fois ceux qui ont le moins. »
« Le MOC MOC mouvement composé de plusieurs organisations chrétiennes comme un syndicat, une mutuelle, une organisation de femmes, de jeunes... et la CSC voulaient embrayer avec plus de précautions. »
Sur la prudence du syndicat CSC qui s’est tenu à l’écart du mouvement de grève de la FGTB
FGTB
Abréviation de Fédération Générale des Travailleurs de Belgique. Sa couleur : le rouge.
dirigé par le syndicaliste André Renard, il dit :
« Le MOC et la CSC comprenaient et approuvaient les idées de Renard mais voulaient embrayer avec plus de précautions. J’ai assisté à l’assemblée générale de la CSC du 26 décembre 1960 et à l’annonce que le syndicat chrétien n’était pas prêt à faire la grève générale, notamment à cause de son caractère révolutionnaire. »
« C’était scandaleux »
A la base, beaucoup de travailleurs chrétiens ont quand même suivi le mouvement de grève. Et un cardinal, le cardinal Van Roey, a appelé les travailleurs chrétiens à arrêter la grève. A ce propos, Jean Verjans dit :
« C’est un discours qui est très mal passé chez les militants comme chez les dirigeants de la CSC. C’était scandaleux, un mépris total de la situation réelle des gens. Le dirigeant de la CSC lui-même a déclaré à la radio : “Monseigneur, occupez-vous de l’Eglise et laissez-moi m’occuper du syndicat”. Depuis, jamais plus un évêque n’est intervenu dans les affaires publiques et sociales du pays. »
« Les premières actions syndicales en front commun ont vu le jour. »
Sur ce qu’a apporté la grève, il dit :
Cela a permis de lancer l’idée de réformer les structures, du fédéralisme. La grève a permis également de jeter les bases d’un Mouvement populaire wallon. C’est aussi au lendemain de la grève que les premières actions syndicales en front commun ont vu le jour, avec un respect mutuel nouveau. Auparavant, la FGTB et la CSC étaient en dure concurrence
concurrence
compétition entre entreprises pour être le plus rentable et gagner des marchés
. D’un point de vue idéologique, cela a aussi déclenché une certaine liberté de pensée au sein des syndicats, une conception
conception
manière particulière de penser quelque chose ; par exemple, un concept juridique est une manière de penser la justice.
syndicale indépendante des partis politiques et des croyances religieuses.
Auteur : Thierry Verhoeven
[1] Interviewé dans le journal La Libre Belgique en 2010.