Il y a beaucoup d’idées fausses sur ce qu’est le langage lisible, le langage clair. Ecrire simplement, c’est pourtant rendre accessibles à tout le monde des réalités complexes. Et c’est aussi assumer ses dires avec courage.

Beaucoup d’idées fausses circulent à propos du langage lisible. Certains pensent qu’un langage simple est nécessairement un langage pauvre, simpliste, un peu simplet. Pourtant, quand on écrit simplement, on aide à comprendre des réalités complexes. On les rend accessibles aux moins lettrés, certes, mais aussi à tout le monde. Pour écrire simplement, il faut d’abord décrypter les réalités complexes, les comprendre. Nicolas Boileau écrivain français du XVIIe siècle écrivait: « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement » Mais il faut aussi avoir le courage d’assumer un langage simple : si on formule en langage clair, une réalité brutale, la brutalité de la situation va sauter aux yeux du lecteur. Car on peut se servir du langage comme d’une arme efficace pour garder le pouvoir en laissant les autres dans l’ignorance.
Assumer ses idées avec courage
Une formulation vague est parfois aussi un moyen de se défiler quand on ne sait pas ou qu’on ne veut pas assumer. Car on peut se faire de solides ennemis en parlant clair. Une journaliste du journal italien La Repubblica 1 interrogeait en 1994, Tullio di Mauro, fondateur avec Emmanuela Piemontese de Due Parole, mensuel de lecture facile, l’équivalent italien de L’Essentiel. Elle lui demandait s’il pensait que les journalistes et les universitaires se faisaient bien comprendre du public. Et il lui répondait non sans malice, que ceux qui avaient parlé clairement avaient presque tous « fini sur la potence, le bûcher ou avec la tête tranchée. » Il donnait deux exemples.
Le premier, celui de Giordano Bruno, « qui a vécu le problème de la communication à grande échelle. »
En 1600, ce moine philosophe a fini à 52 ans sur les bûchers de l’Inquisition pour avoir défendu clairement, mais avant tout le monde, l’idée d’un univers infini. Le second, un exemple a contrario, celui de Giambattista Vico qui, histoire d’échapper au danger de finir « tout droit en prison »,
a, quant à lui préféré ne pas parler trop clairement. Cette anecdote illustre qu’il peut être dangereux de parler et d’écrire clairement. C’est s’exposer davantage à ne pas plaire à tout le monde.