Missak Manouchian, étranger d’origine arménienne a résisté à l’occupant nazi pendant la 2e Guerre mondiale. Il a été fusillé par les Allemands en 1944. France. 80 ans plus tard, la France l’honore : il est inhumé au Panthéon avec sa femme Mélinée. Un honneur qui devrait rappeler 2 leçons de l’histoire : les étrangers et les femmes sont trop souvent oubliés quand on parle des combats pour la liberté.

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Etrangers
Ce 21 février, Missak Manouchian et sa femme Mélinée sont inhumés au Panthéon à Paris. Le Panthéon est un monument réservé aux grands personnages qui ont fait l’histoire de France. C’est donc le cas de l’étranger, de l’apatride Missak et de son épouse. En France, le pouvoir se souvient donc de ce que les étrangers ont apporté à la France. Pourtant entendre les discours et à voir les lois votées aujourd’hui qui discriminent les étrangers, le pouvoir n’a pas tiré cette leçon de l’histoire. On peut tirer une autre leçon de l’histoire de Missak et de Mélinée : le combat des femmes pour la liberté est souvent mis au second plan. Plutôt que de parler de Missak, parlons donc de Mélinée. Parlons aussi d’Olga, résistante dans le réseau de Missak, elle est arrêtée comme ses camarades et guillotinée par les Allemands.
Mélinée
Quand on parle du groupe Manouchian, on cite souvent Mélinée Manouchian, épouse de Missak Manouchian. Mélinée a presque le même parcours de vie que Missak. Elle nait en Turquie. D’origine arménienne, elle perd ses parents dans le génocideExtermination systématique, méthodique d'un groupe d'humains contre les Arméniens commisdu verbe commettre, c'est faire quelque chose contre la loi: voler, tuer,... par les Turcs. Elle débarque en France en 1926. Elle s’engage dans le Parti communiste. Elle rencontre Missak. Ils militent ensemble. Ils se marient. Comme son mari, elle résiste aussi à l’occupant nazi pendant la 2e Guerre mondiale. Contrairement à son mari, elle ne sera pas arrêtée. Dans l’histoire, on a souvent tendance à oublier ou mettre les femmes au second plan. Si Mélinée Manouchian est connue et célèbre, c’est surtout grâce à la lettre que lui écrit son mari Missak juste avant d’être fusillé.
Belle lettre
C’est une très belle lettre. Missak écrit à Mélinée : « J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. (…) Tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. » Mélinée ne se remariera pas et n’aura pas d’enfant. Elle exaucera l’autre souhait de son mari : elle fera connaitre ses écrits et fera vivre sa mémoire.
Lire toute la lettre de Missak Manouchian à Mélinée, cliquer ici
Olga
L’autre résistante est beaucoup moins connue, elle s’appelle Olga (ou Golda) Bancic. Olga Bancic est une juive roumaine née en 1912. Ouvrière, syndicaliste et jeune communiste, elle s’oppose au pouvoir autoritaire de Roumanie. Elle participe au « Front populaire contre le fascisme ». Plusieurs fois arrêtée en Roumanie, elle se réfugie en France en 1938. Elle a 26 ans. Elle suit des études de lettres. Elle milite au Parti communiste. Pendant la 2e Guerre mondiale, elle s’engage dans le réseau de résistance Missak Manouchian. Des 23 membres du réseau arrêtés, c’est la seule femme. Elle n’est pas fusillée avec ses camarades. Elle est déportée en Allemagne et guillotinée.
Pendant plusieurs dizaines d’années après la 2e Guerre mondiale, Olga Bancic restait méconnue. Elle avait pourtant participé à une centaine d’actions de résistance du fameux groupe Manouchian. Elle a laissé une très belle lettre à sa fille Dolorès.
À la mémoire de cette femme longtemps restée dans l’ombre et à la mémoire de toutes les femmes qui se sont battues et se battent encore pour la liberté, lisons cette lettre.
Belle lettre
« Ma chère petite fille, mon cher petit amour,
Ta mère écrit la dernière lettre, ma chère petite fille, demain à 6 heures, le 10 mai, je ne serai plus.
Mon amour, ne pleure pas, ta mère ne pleure pas non plus. Je meurs avec la conscience tranquille et avec toute la conviction que demain tu auras une vie et un avenir plus heureux que ta mère. Tu n’auras plus à souffrir. Sois fière de ta mère, mon petit amour. J’ai toujours ton image devant moi.
Je vais croire que tu verras ton père, j’ai l’espérance que lui aura un autre sort. Dis-lui que j’ai toujours pensé à lui comme à toi. Je vous aime de tout mon cœur.
Tous les deux vous m’êtes chers. Ma chère enfant, ton père est, pour toi, une mère aussi. Il t’aime beaucoup.
Tu ne sentiras pas le manque de ta mère. Mon cher enfant, je finis ma lettre avec l’espérance que tu seras heureuse pour toute ta vie, avec ton père, avec tout le monde.
Je vous embrasse de tout mon cœur, beaucoup, beaucoup.
Adieu mon amour.
Ta mère. »
