mercredi 3 juillet 2024

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Ouvrier, employé, vive l’égalité !

En Belgique, 1 260 000 personnes travaillent comme ouvrier et 1 700 000 personnes travaillent comme employé. Et si vous êtes ouvrier, vous n’avez pas les mêmes droits qu’un employé. Cela dure depuis longtemps mais c’est contraire à l’égalité écrite dans la loi. Pour début juillet, patrons et syndicats doivent donc trouver un accord pour donner les mêmes droits, un même statut aux ouvriers et aux employés. Aujourd’hui, il y a deux grandes différences dans le statut : en cas de licenciement et en cas de maladie. S’il est licencié ou malade, l’employé est mieux protégé que l’ouvrier.

Licencié

L’employeur licencie un travailleur. Sauf pour une faute grave, l’employeur ne peut pas licencier le travailleur immédiatement. Il y a une durée de préavis. Pendant ce préavis, le travailleur continue de travailler tout en cherchant du boulot ailleurs. Il touche son salaire normal. Pour se débarrasser tout de suite du travailleur, l’employeur peut choisir de lui payer tout son préavis immédiatement. La durée du préavis varie avec les années d’ancienneté du travailleur. Et la durée de préavis est beaucoup plus courte si l’on est ouvrier que si l’on est employé. Pour l’ouvrier, cette durée va de 35 à 112 jours… Pour l’employé, cette durée va de 3 mois minimum à 18 mois. Par exemple, je travaille depuis plus de 20 ans dans la même entreprise, je suis licencié. Si je suis ouvrier, j’ai 112 jours de préavis donc 4 mois de préavis… Si je suis employé, j’ai minimum 18 mois de préavis, plus de 500 jours.

Malade

Le travailleur tombe malade. Comme il est incapable de travailler, il touche une indemnité. S’il est employé, l’employeur lui paie son salaire normal pendant le premier mois de maladie. C’est ce que l’on appelle le salaire mensuel garanti. Après le premier mois, l’employé reçoit une indemnité de maladie versée par la mutuelle. L’employeur ne paie plus rien.

S’il est ouvrier, c’est beaucoup plus compliqué.
L’employeur paie à l’ouvrier son salaire normal mais seulement la 1ère semaine de maladie. C’est le salaire hebdomadaire garanti. La 2ème semaine, l’employeur lui paie son salaire mais il n’y a pas de cotisations sociales sur ce salaire (1). L’ouvrier reçoit donc le même salaire net que s’il avait travaillé mais l’employeur ne paie en fait que 86% du salaire normal… La 3ème et la 4ème semaine de maladie, l’ouvrier reçoit des indemnités de maladie versées par la mutuelle. Ces indemnités sont égales à 60% de son salaire net. L’employeur paie la différence pour que l’ouvrier touche la même chose que s’il avait travaillé mais il n’y a pas de cotisations sociales sur ce salaire. L’employeur ne paie donc que 26% du salaire normal… Après le premier mois, la mutuelle lui verse une indemnité de maladie. L’employeur ne paie plus rien.

Le premier mois, l’ouvrier reçoit, au final, la même somme que son salaire net. On pourrait se dire qu’il n’y a pas de différence avec l’employé qui a un salaire mensuel garanti. Faux ! La 2ème, la 3ème et la 4ème semaine, il n’y a pas de cotisations sociales sur le salaire. Les cotisations sociales vont à la sécurité sociale pour payer le chômage, les pensions, l’indemnité-maladie, … C’est donc une partie du salaire. C’est ce que l’on appelle le salaire « socialisé ». Les cotisations sociales servent de base au calcul de la pension du travailleur et servent aussi à la collectivité pour indemniser les chômeurs, les pensionnés, les malades, … En plus, la 3ème et la 4ème semaine, la mutuelle verse des indemnités à l’ouvrier. Il reçoit donc une partie du salaire « socialisé » de tous les travailleurs. Bref, ce système avantage les patrons et pas les travailleurs.

Mais la différence la plus injuste et celle dont on parle le plus est le jour de carence : si un ouvrier est malade moins de 2 semaines, le patron ne lui paie pas son 1er jour de maladie ! Il manque un jour de salaire dans le mois : c’est ce que l’on appelle le jour de carence.

Accusé

Pourquoi de si grandes différences entre le statut d’ouvrier et le statut d’employé ? Pourquoi les ouvriers n’ont-ils pas les mêmes droits que les employés ? A cause de vieilles idées qui ont plus de 100 ans. C’étaient quand les patrons et les bourgeois accusaient l’ouvrier de tous les vices.
Pourquoi moins de jours de préavis pour l’ouvrier ? Parce qu’on considérait que l’ouvrier était dangereux et faisait souvent la grève. Le licencier, c’était le punir. Et hier comme aujourd’hui, cela permet aussi aux patrons de dépenser moins quand ils licencient. Dans les années 1950, 60 et 70, l’ouvrier « viré » trouvait assez vite un boulot ailleurs. Mais depuis la crise économique, ce n’est plus le cas. Une raison de plus pour avoir un préavis plus long.

Pourquoi un jour de carence en cas de maladie ? Parce qu’on considérait que l’ouvrier était alcoolique et dépensait toute sa paie au bistrot. Il était absent au travail parce qu’il avait fait la fête la veille et qu’il était paresseux. Ces vieilles idées sont toujours quelque part dans la tête des patrons. Le travailleur est toujours soupçonné d’abuser du système, la première question de tout patron est: est-il vraiment malade ? Pourtant, à cause du jour de carence, beaucoup d’ouvriers malades vont travailler pour ne pas perdre un jour de salaire…

A égalité ?

Que proposent les patrons pour mettre ouvrier et employé à égalité en cas de maladie? Prévoir un jour de carence aussi pour l’employé malade, comme en France ? Ou supprimer le jour de carence pour tous ? Mais alors, les patrons veulent contrôler plus encore les absences du travailleur. Ils demandent aussi une aide financière de la collectivité, (c’est-à-dire de nous tous), pour payer le 1er jour de maladie. Et pour les préavis? Les patrons veulent diminuer la durée de préavis des employés ou diminuer les indemnités versées …

Les syndicats, représentants des travailleurs, veulent aussi l’égalité entre le statut d’ouvrier et d’employé. Mais ils défendent un meilleur statut pour tous, les ouvriers et les employés. Ils ne veulent pas d’une fausse égalité qui supprime des droits aux employés. Syndicats et patrons discutent. S’ils n’arrivent pas à un accord, c’est le gouvernement qui décidera. Est-ce que ce sera en faveur des travailleurs ? On peut en douter… En période de crise, les travailleurs perdent le plus souvent des droits.

D’ailleurs, en 2009, le gouvernement a supprimé une différence entre le statut ouvrier et employé : le chômage économique. Avant 2009, l’employé ne pouvait pas être mis en chômage économique quand l’entreprise tournait au ralenti. Maintenant, dans certaines conditions, l’employé est mis au chômage économique comme l’ouvrier. Et en chômage économique, le travailleur reçoit des indemnités de l’ONEm, donc de la sécurité sociale, donc du salaire « socialisé », donc de l’argent de tous les travailleurs…

(1) Lire « la fiche de paie » en détail dans notre dossier sur la Sécurité sociale

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